Depuis quelques années, le mot écologie est un de ceux les plus
prononcés dans le débat public. On entend toutes sortes de prises de
positions, de conseils, de revendications… En résulte une immense
confusion quant à la marche à suivre face à l’urgence climatique. Deux
possibilités semblent tout de même surnager : la croissance verte et la
décroissance. Et nous sommes tous sommés de choisir. Quoique…
Croissance verte ou décroissance : un dilemme stérile…
Tout ou rien ! L’injonction paraît extrême. Et pourtant, chacun s’y soumet
d’une manière ou d’une autre. Soit en opérant un choix. Soit en
culpabilisant de ne pas choisir… Il est parfois nécessaire de remettre en
question les termes de l’énoncé. Pourquoi n’admettre que deux possibilités ?
Pourquoi devoir adopter la croissance verte ou la décroissance ? Est-il
possible de considérer l’une de ces deux solutions comme la solution
idéale ? Il est évident que non. Mais se contenter d’une syllabe pour y
répondre serait tomber dans les mêmes travers…
Comprendre les limites pour bâtir un absolu
L’inversion de la dynamique économique pour atteindre l’impact neutre,
voilà ce que défendent les partisans de la décroissance. Ce modèle étant tout
à fait à l’opposé de nos habitudes, certains le qualifient d’utopie. Ils ont
raison, il s’agit d’une utopie. Mais une utopie nécessaire. Le discours radical
est une boussole, il nous indique ce vers quoi nous devons tendre. Et peut-
être y arriverons-nous. Mais pas dans l’immédiat. L’impact neutre est un
objectif à long terme. Il est pour le moment irréalisable et cela pour
plusieurs raisons. D’abord, il est impossible de concilier l’impact zéro et
l’économie de marché. Or nous savons tous que le capitalisme est à l’image
de la démocratie : le système économique le moins pire qu’on ait trouvé.
Nous n’en sortirons pas demain. Si nous arrêtons de produire, de fabriquer,
de commercer, de communiquer, ce sont des milliards de gens qui se
retrouveront sans emploi et par conséquent sans revenu. La transition est
nécessaire mais elle doit être accompagnée au mieux pour éviter une
catastrophe sociale. Ensuite, demander aux citoyens de tout mettre en œuvre
pour réduire leur empreinte écologique est philosophiquement intenable car
cela s’oppose à une liberté individuelle qui nous est chère : celle de disposer
de notre temps et de notre existence comme nous l’entendons. Or, il faudrait
consacrer l’ensemble de nos forces et de nos capacités cognitives à cultiver,
produire notre propre énergie, nous déplacer, bref, à nous priver du confort
qui aujourd’hui nous permet d’avoir des loisirs ou d’entreprendre des
besognes qui n’ont pas pour but d’assurer notre survie. Alors que faire ?
Opter pour la croissance verte ? Sûrement pas ! La croissance verte, terme à
la mode que les démocrates américains ont baptisé «Green New Deal» et qui
promeut une économie faiblement carbonée est une illusion... Le découplage
entre l’augmentation du PIB et la consommation d’énergie fossile apparaît
tout à fait paradoxal. L’économie reposant sur la transformation de nos
ressources en produits, la création de valeur ne peut se faire sans énergie.
C’est physiquement impossible. Nous pouvons augmenter l’efficacité
énergétique d’une voiture mais nous ne pourrons jamais la faire avancer
sans avoir recours à nos ressources. C’est pourquoi cette solution paraît
définitivement intenable.
Vers une écologie heureuse et sociale
Pas de défaitisme ! Il existe une alternative. Ou plutôt une étape qu’il
convient de ne pas sauter. Elle repose sur une idée centrale : la mesure.
Contre ce que les philosophes appelaient l’hubris, c’est à dire l’excès, il
convient d’adopter un idéal réaliste : celui de la juste empreinte. Trois mots
qui nous permettent de sortir des schémas binaires. Juste au sens de la
justesse : donc de la pertinence et de la cohérence. Et juste au sens de la
justice : donc de la morale, de l’éthique, de l’équité. L’idée n’est pas de
nous nier, de nous empêcher de vivre pour préserver d’autres vies. L’idée
est de continuer à exister, à prendre du plaisir, à tenter de nous épanouir
aujourd’hui, tout en préparant un monde heureux pour les générations
suivantes. Ne pas faire disparaître aujourd’hui au profit de demain mais
habiter les deux pleinement !